- PAIEMENT (MODES DE)
- PAIEMENT (MODES DE)La langue juridique assigne au mot paiement un sens plus large que la langue courante. Alors que celle-ci entend par paiement l’exécution d’une obligation pécuniaire, le langage juridique désigne par ce terme l’exécution volontaire de toute obligation, quel qu’en soit l’objet. Mais le paiement des sommes d’argent soulève les problèmes les plus délicats.Le paiement tend à procurer au créancier une satisfaction matérielle correspondant à l’objet de sa créance et, corrélativement, à libérer le débiteur à l’égard du créancier. La valeur de tout mode de paiement doit être appréciée par rapport à ce résultat. La gamme des procédés concevables est très étendue. Certains sont d’usage courant dans la vie des affaires. D’autres ont un caractère exceptionnel en ce qu’ils comportent une prestation différente de celle qui était prévue initialement, tel le paiement effectué par la remise d’une chose au lieu d’une somme d’argent (dation en paiement) ou le paiement réalisé par un débiteur du débiteur (cession de créance, délégation).Le paiement en monnaie est le mode le plus simple. L’histoire de la monnaie est celle d’une dématérialisation progressive. À l’origine, la monnaie métallique possédait une valeur liée à sa substance (or ou argent). Elle a été remplacée par une monnaie de papier, qui a d’abord été rattachée au métal précieux d’où elle tirait sa valeur (billets convertibles) et qui en est devenue indépendante (billets inconvertibles ou papier-monnaie). Parallèlement, la monnaie est devenue, très tôt, un mécanisme d’État. Ce dernier s’est arrogé le pouvoir absolu et exclusif d’émettre et de retirer les monnaies, comme d’en régler le cours. Cette souveraineté monétaire lui permet, non seulement d’assurer le bon ordre des transactions à l’intérieur du territoire, mais encore d’opérer, par la dépréciation de la monnaie, un transfert de richesses d’une classe à une autre, des créanciers aux débiteurs.«Nouvelle étape dans la voie de la dématérialisation», le développement des opérations bancaires a multiplié l’usage des titres comme instruments de paiement, par des techniques de plus en plus raffinées. Dès l’Antiquité, en Égypte, à Athènes, à Rome surtout, les banquiers assurent le service de caisse à leurs clients. Au Moyen Âge la pratique des paiements en foire confère une grande importance aux contrats de transport d’argent; la lettera di pagamento du XIIe siècle donne naissance à la lettre de change moderne par l’apparition de l’endossement. C’est en Angleterre que l’usage du chèque se développe à partir du XVIIe siècle, tout particulièrement après l’octroi du privilège d’émission des billets de banque à la Banque d’Angleterre (1742), lorsque les banques privées, ne pouvant plus délivrer de billets en échange des dépôts de leurs clients, conseillent à ceux-ci de tirer sur elles des traites qu’elles sont prêtes à honorer à vue.Le développement du rôle de l’informatique dans les activités bancaires exerce une influence nouvelle sur les techniques utilisées, dans la mesure où certaines d’entre elles sont freinées par la prédominance du «support-papier». Aujourd’hui, les banques cherchent à développer le plus possible le virement, l’avis de prélèvement et les cartes de paiement parce que, pour le traitement de ces documents, le titre n’ayant pas de valeur juridique intrinsèque, la substitution du support magnétique au «support papier» peut être totale. Des études envisagent de supprimer les échanges physiques de chèques entre les banques. Un effort est entrepris pour rénover le mécanisme pesant des lettres de change par la généralisation de la «lettre de change relevé».Il faut enfin noter que le développement des relations internationales tend à rapprocher et à unifier les modes de paiement en usage dans les différents pays. Plusieurs conventions signées à Genève en 1930 et 1931 ont établi pour la lettre de change et le chèque une réglementation uniforme qui est en vigueur dans les principales puissances commerciales du monde, à l’exception des pays anglo-saxons. La commission des Nations unies pour le droit commercial international (C.N.U.D.C.I.) a élaboré un projet d’effet de commerce international qui serait régi par une loi uniforme à vocation mondiale. Adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en 1988, ce projet a été ouvert à la ratification des États.1. Les paiements en monnaieEn principe, les dettes de sommes d’argent sont payables dans la monnaie qui a cours légal au lieu du paiement et qui est reçue, non pas pour ce qu’elle représente matériellement, mais en tant qu’équivalent, fraction ou multiple d’une unité idéale définie par l’État. Cette dernière reste toujours égale à elle-même à travers le temps, dès lors que son appellation n’a pas changé. C’est la règle du nominalisme qui est admise dans le droit monétaire par les textes (cf. art. 1277, Code civil italien): elle traduit la confiance publique dans la valeur de la monnaie et simplifie le règlement des échanges.Le nominalisme a pour conséquence de cristalliser dans le temps toute dette de monnaie. Le débiteur qui a reçu telle somme se libère en remboursant la même somme, quelle que soit la valeur intrinsèque de l’unité monétaire le jour de la réception et le jour du remboursement. Mais si l’État peut décider que l’unité monétaire reste nominalement inchangée, il ne peut faire que le pouvoir d’achat effectif de cette unité monétaire demeure le même. Depuis la Première Guerre mondiale, altérations de droit et altérations de fait se sont conjuguées pour amputer gravement la valeur réelle des monnaies. Comme tous les débiteurs, les États ont tiré profit des dévaluations qui ont allégé la charge du remboursement de leurs emprunts. Ils n’ont pu, toutefois, ignorer les répercussions économiques, sociales, politiques d’une instabilité monétaire brutale ou prolongée. Le nominalisme est donc aujourd’hui discuté et divers moyens ont été proposés pour valoriser les obligations de sommes d’argent.Le nominalisme en discussionQuelle que soit la rigueur des impératifs monétaires, ils ne doivent pas créer d’injustice. Sinon la morale cesse d’être le fondement du droit et celui-ci n’organise plus qu’un ordre artificiel que les consciences individuelles réprouvent et s’efforcent de transgresser. Or, c’est un principe moral élémentaire que nul ne doit s’enrichir injustement aux dépens d’autrui, et ce principe est manifestement violé quand un débiteur se libère en remettant à son créancier une somme d’argent ayant une valeur réelle dix ou cent fois moindre que la valeur promise. Le résultat est d’autant plus choquant que les contractants les plus atteints par les dévaluations appartiennent généralement aux classes modestes: petits prêteurs, crédirentiers, souscripteurs d’assurances sur la vie, dont l’appauvrissement profite aux grandes sociétés commerciales.Les exigences du crédit, indispensable au développement des affaires, renforcent les enseignements de la morale. Dans les contrats dont l’exécution est échelonnée dans le temps, l’instabilité monétaire engendre l’insécurité en détruisant l’équilibre primitivement voulu par les parties. L’insécurité tarit le crédit ou en élève le prix à des conditions draconiennes.Les remèdes concevablesL’expérience des pays qui ont connu des dévaluations catastrophiques prouve que la valorisation des créances par les tribunaux a souvent précédé les mesures législatives, et que les particuliers ont toujours cherché à compléter, par des formules de valorisation contractuelle, les remèdes proposés par les pouvoirs publics.L’exemple le plus connu de valorisation judiciaire est le régime qui fut établi en Allemagne à l’occasion de la chute du mark entre 1921 et 1924. Les tribunaux eurent recours à différentes justifications (l’interprétation de la volonté des parties, la clause sous-entendue rebus sic stantibus , la disparition du «fondement contractuel») pour «rééquilibrer» conformément à l’équité les contrats dont l’exécution selon les prévisions initiales heurtait la bonne foi.La valorisation légale a été organisée, sinon de façon absolument générale, du moins avec un large domaine d’application, dans plusieurs États ruinés par la Première Guerre mondiale, lors de la stabilisation de leur monnaie (Allemagne, Pologne, Hongrie, etc.). L’exemple allemand est le plus connu: la loi du 16 juillet 1925 mit en place un régime savant de valorisations différenciées, qui devait notamment permettre le redressement rapide de la grande industrie allemande en valorisant au taux le plus faible les obligations émises par les sociétés.La valorisation contractuelle est la méthode par laquelle les parties à un contrat s’efforcent de maintenir, malgré l’instabilité économique, une équivalence réelle de leurs prestations échelonnées dans le temps. Certaines clauses d’adaptation font choix d’une monnaie de paiement autre que la monnaie légale: le paiement est stipulé en or (clause or) ou en monnaie étrangère. D’autres ne concernent que la monnaie de compte: elles prévoient le paiement en monnaie légale, mais pour un montant qui dépendra de la valeur, au jour de l’échéance, de la monnaie légale par rapport à l’or (clause valeur or) ou à une monnaie étrangère (clause de garantie de change). Proches des précédentes, les clauses d’échelle mobile ou d’indexation font varier le montant de la somme due suivant la valeur de certaines marchandises ou certains indices monétaires. Si l’on excepte les clauses de référence à l’or, dont la condamnation est assez répandue (États-Unis, Canada, Belgique, Autriche, Grèce, etc.), les clauses monétaires sont généralement reconnues licites.Les solutions françaisesBien que la dépréciation monétaire française du XXe siècle ait été profonde et continuelle, les pouvoirs publics, en règle générale, ont ignoré ses répercussions sur les relations privées, sous prétexte que les dévaluations successives du franc n’ont jamais été des anéantissements complets.Les plaideurs ont sollicité en vain la valorisation judiciaire en invoquant tous les arguments retenus en Allemagne par le Tribunal d’Empire entre 1921 et 1924. La Cour de cassation a toujours refusé très fermement aux tribunaux de l’ordre judiciaire le pouvoir «de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier la convention des parties».Le législateur n’a organisé la révision des prestations de sommes d’argent que dans des circonstances exceptionnelles, inspirées le plus souvent de préoccupations humanitaires. Hors de tout plan d’ensemble, une technique originale a été élaborée, cas par cas, pour adapter le loyer des baux à usage d’habitation, le fermage dans les baux ruraux, le salaire minimum interprofessionnel garanti (appelé aujourd’hui salaire de croissance), les rentes viagères.Il n’est pas surprenant que les particuliers, livrés le plus souvent à eux-mêmes, aient cherché dans la valorisation contractuelle le moyen usuel d’assurer leur propre protection, et que la France ait été le pays dans lequel le problème de la validité des clauses monétaires a été le plus vivement discuté. La Cour de cassation a longtemps considéré que la proclamation de la nullité de ces clauses dans les paiements internes était une condition indispensable au salut de la monnaie dans les périodes de cours légal et de cours forcé. À l’époque contemporaine, elle s’est progressivement départie de sa sévérité, non sans rencontrer un sursaut d’hostilité de la part du législateur, effrayé du déferlement des clauses qu’il avait lui-même provoqué par sa «complicité silencieuse» (Ordonnance du 30 déc. 1958).2. Les paiements par signatureDans de nombreux cas, le débiteur règle sa dette à l’aide d’une simple signature, qui évite le déplacement de numéraire. Pour servir de support à cette signature, on a d’abord imaginé des titres en forme d’ordres de paiement: par la lettre de change , ou traite , le souscripteur mobilise une créance généralement à terme dont il est titulaire vis-à-vis d’un tiers; par le chèque , il utilise des fonds qui sont à sa disposition chez son banquier. Puis un effort a été entrepris pour diminuer le nombre des titres de paiement et, par suite, les tâches et les risques inhérents à leur manipulation. Dans le système des cartes de crédit , l’utilisateur se borne à signer une facture pour chaque fourniture, en tirant périodiquement un chèque pour régler un ensemble de factures, ou même en laissant à son banquier le soin de les régler automatiquement. Par l’ordre de domiciliation permanente, permettant l’émission ultérieure d’avis de prélèvement , le souscripteur charge sa banque, une fois pour toutes, d’effectuer pour son compte une série de règlements échelonnés dans le temps.La lettre de changeEn situation normale, la lettre de change intéresse dès sa création trois personnes: le tireur, le tiré, le preneur ou bénéficiaire. Le tireur a une créance contre le tiré (la provision), et le preneur a une créance contre le tireur (la valeur fournie). Le tireur donne mandat au tiré de payer au preneur, ou à son ordre, à une échéance déterminée (généralement trois mois), la somme indiquée sur le titre. Ce document constitue un instrument de paiement très pratique à plusieurs points de vue. Par la création et la remise du titre, le tireur règle sa dette envers le preneur. Pour avoir la certitude que le tiré est disposé à payer à l’échéance, le preneur sollicite son acceptation et, par sa signature, le tiré règle sa dette envers le tireur. Par la suite, le preneur peut transmettre la lettre par un procédé simplifié, l’endossement, pour régler une dette dont il est tenu envers le nouveau porteur. Le même titre permet ainsi d’effectuer plusieurs paiements, et rend d’autant plus de services qu’il circule davantage. À partir de cette technique de base, les besoins de la pratique ont diversifié le rôle de l’institution. Du fait que, le plus souvent, la lettre de change n’est pas payable immédiatement, elle est devenue un instrument de crédit en même temps qu’un instrument de paiement. L’acquéreur de marchandises, débiteur d’un prix payable par traite, a le temps de les revendre avant que la traite lui soit présentée. Quant au vendeur, sans attendre le jour de l’échéance, il peut obtenir immédiatement des fonds en endossant à son banquier, par l’opération d’escompte, les traites de son portefeuille commercial.La valeur juridique des signatures apposées par le titre ne doit pas être surestimée; aucune d’entre elles, à la vérité, ne suffit à procurer au bénéficiaire la prestation qui lui est due, non plus qu’à éteindre la dette du souscripteur. Un créancier n’est jamais obligé de recevoir une lettre de change en paiement, et les signataires ne sont libérés, en situation normale, que lorsque le tiré, débiteur principal, paie le dernier porteur à l’échéance, en monnaie légale ou par un procédé strictement équivalent (cf. infra , chap. 3). En bref, la lettre de change est un moyen de paiement et non pas un paiement. Du moins le développement historique a-t-il contribué à renforcer les garanties des porteurs successifs, de façon à rapprocher autant que possible le paiement par lettre de change du paiement en monnaie. Deux mécanismes concourent à ce résultat: à titre principal, la naissance de l’obligation cambiaire qui incombe à chaque signataire; accessoirement, dans les pays inspirés par la tradition française, la transmission de la provision.On remarque en premier lieu que chaque signature apposée sur la traite par une personne intervenant en une qualité quelconque (tireur, tiré, accepteur, endosseur) fait naître contre le souscripteur une obligation nouvelle qu’on appelle obligation cambiaire parce qu’elle est issue directement du titre. Il s’agit d’une obligation particulièrement stricte dont les traits caractéristiques se retrouvent, avec des variantes d’importance secondaire, dans toutes les législations.L’obligation cambiaire de chaque souscripteur est abstraite en ce sens que sa valeur est détachée, à l’égard des porteurs de bonne foi, de l’existence et de la valeur de la dette ancienne qui en constitue généralement la cause. Ainsi, si une traite est créée en représentation du prix de vente d’une marchandise livrée par le tireur au tiré, et si elle est acceptée par le tiré avant d’être remise au preneur, la promesse cambiaire assumée par l’accepteur est valable au regard du preneur (de bonne foi), indépendamment de toutes exceptions afférentes à la mauvaise exécution du contrat de vente: retard, livraison non conforme à la commande, etc. Cette règle d’inopposabilité des exceptions constitue la plus grande supériorité de l’endossement du titre à ordre par rapport à la cession de créance civile; elle dispense le porteur de toute enquête sur la valeur des souscriptions.On note ensuite que la naissance de l’obligation cambiaire laisse subsister la dette ancienne contractée par le souscripteur avant de signer le titre. Dans la tradition française, cette dette conserve un certain rôle dans la vie de la lettre de change. En particulier, la provision (la créance du tireur contre le tiré) est transmise de plein droit aux porteurs successifs, avec ses garanties propres qui renforcent les rapports cambiaires. Cette solution est vivement discutée par la doctrine des pays d’influence germanique, qui considère que l’instrument de paiement qu’est la lettre de change doit se suffire à lui-même. Il n’empêche que, dans plusieurs de ces pays (Allemagne, Suisse, Italie), les banquiers se sont efforcés de développer la sécurité des porteurs par une cession conventionnelle de la provision, qui produit des résultats comparables à ceux du droit français. Dans le fonctionnement de la lettre de change, les exigences pratiques l’ont toujours emporté sur l’attrait des belles constructions théoriques.Traditionnellement, les lettres de change circulent entre les banques. Le banquier du tireur, qui a acquis la lettre dont il a fait l’avance au tireur par l’escompte, l’envoie pour encaissement au banquier du tiré, dit banquier domiciliataire. Le perfectionnement de la «lettre de change relevé» tend à éviter cette circulation. La lettre reste entre les mains du banquier escompteur, et les renseignements qu’elle contient sont transmis par ordinateur au banquier domiciliataire. Plus élaborée encore, la lettre de change magnétique remplace complètement le support papier par une bande magnétique, mais, dans cette hypothèse, la simplification du mécanisme a pour contrepartie la disparition des garanties traditionnelles du droit cambiaire.Le chèqueDans la mesure où l’on ne s’attache qu’à la structure du titre, le chèque ressemble à la lettre de change. Un tireur donne à un tiré, qui est nécessairement une banque ou un établissement assimilé, l’ordre de payer une certaine somme à un bénéficiaire. Celui-ci peut transmettre le titre à un nouveau porteur par voie d’endossement. Chaque signature fait naître contre le souscripteur une obligation nouvelle, abstraite et rigoureuse, analogue à l’obligation cambiaire. Ce qui n’empêche pas, conformément à la solution admise pour la lettre de change, que la remise d’un chèque ne constitue pas un véritable paiement. Le paiement est la fourniture au créancier de la chose due; il n’est effectué que le jour où le tiré remet le montant du titre au bénéficiaire, en espèces ou par un procédé rigoureusement équivalent.Le rôle économique du chèque diffère toutefois de celui de la lettre de change en ce que le chèque est obligatoirement payable à vue et ne comporte aucune idée de crédit. Il permet d’effectuer des paiements à l’aide de fonds disponibles chez un banquier, d’abord dans les rapports entre le tireur et le bénéficiaire, puis, le cas échéant, entre les porteurs successifs. Comme instrument de monnaie scripturale, il offre l’intérêt supplémentaire de favoriser les règlements par compensation. La plupart du temps, celui qui reçoit un chèque en paiement ne le touche pas; il en fait porter le montant au crédit de son compte sur lequel il tire lui-même des chèques lorsqu’il a des paiements à effectuer. La circulation des chèques trouve son aboutissement dans les virements d’ensemble des chambres de compensation et organismes de clearing où se réalisent les règlements globaux entre banquiers.Le droit s’est appliqué à développer la valeur monétaire du chèque en précisant l’originalité des garanties de paiement qui appartiennent au porteur, ainsi que la protection offerte aux parties contre la perte ou contre le vol.Les engagements nouveaux qui découlent pour chaque souscripteur de la signature du titre ont en fait peu d’importance parce que le chèque n’est pas accepté par le tiré et circule peu. La garantie essentielle est constituée par la provision, qui ne joue qu’un rôle accessoire dans le fonctionnement de la lettre de change. Il est unanimement admis en droit comparé que le tireur doit avoir chez le tiré une provision de valeur appropriée qui conditionne le règlement du chèque. Certains pays considèrent que la provision doit exister dès l’émission du titre (France, Allemagne, Belgique, Italie); pour d’autres, il suffit qu’elle existe au moment de la présentation (Angleterre). La provision doit être certaine, liquide et exigible. Un crédit régulièrement ouvert par un banquier constitue une provision disponible, mais il n’en est pas de même des simples facilités de caisse, qui ne sont qu’une tolérance de fait et qui ne confèrent au client aucun droit pour l’avenir. L’émission de mauvaise foi d’un chèque sans provision constitue, dans tous les pays, une infraction pénale, qui est sanctionnée sévèrement. Dans certains États d’Amérique latine, le défaut de provision est sanctionné également par la fermeture obligatoire du compte du tireur. Mais cette description des textes ne rend pas compte de l’état des mœurs. Dans la plupart des pays, dont la France, l’arsenal répressif n’empêche pas de nombreux tirages sans provision, qui ne sont pas tous effectivement réprimés. Dans les pays de droit anglais et américain, les habitudes sont telles que le chèque sans provision est à peu près inconnu. En pratique, on a imaginé, de surcroît, de provoquer l’intervention du tiré pour faire connaître au porteur s’il peut compter avec certitude sur l’existence de la provision. Le visa du tiré garantit l’existence de la provision au moment où il est inscrit sur le chèque, mais n’oblige pas le tiré à bloquer la provision au profit du porteur, sous la responsabilité du tiré, jusqu’à l’expiration du délai de présentation. Plus répandue, parce que plus efficace, la certification a pour effet de bloquer la provision au profit du porteur, sous la responsabilité du tiré, jusqu’à l’expiration du délai de présentation (qui est d’ailleurs très bref: huit jours pour les chèques émis et payables en France métropolitaine).La protection du tireur et du porteur contre la perte ou le vol est un autre facteur important dans l’utilisation du chèque, qui procure aux parties des garanties supérieures à celles de la monnaie. Le tireur victime de la perte ou du vol de son carnet de chèques peut adresser une opposition au tiré, qui doit refuser de payer les chèques qui lui seraient présentés par la suite, sous peine d’engager sa responsabilité. En dehors même de toute opposition, le banquier tiré engage sa responsabilité s’il paie sans prendre les précautions indispensables, compatibles avec les exigences de la vie des affaires: par exemple, s’il paie un chèque dont la signature est une imitation grossière du spécimen déposé par le tireur, ou qui comporte des surcharges ou altérations. De son côté, le porteur victime d’une perte ou d’un vol peut également adresser une opposition au tiré. Il est protégé surtout par une pratique d’usage courant dans de très nombreux pays, à l’exception notable des États-Unis: le barrement. Le chèque barré est un chèque au recto duquel figurent deux barres parallèles; il ne peut être payé qu’à un banquier ou à un établissement assimilé, ou encore, dans les pays qui appliquent la loi uniforme de Genève, à un client du banquier tiré. Cette exigence restreint, sans les empêcher complètement, les présentations frauduleuses. En France, aujourd’hui, pour des raisons fiscales, les formules de chèques délivrées par les banques sont normalement barrées d’avance et comportent une clause qui interdit la transmission par voie d’endossement, sauf au profit d’une banque ou d’un établissement assimilé. On ajoutera que, dans de nombreux pays européens, ainsi qu’au Japon, l’administration postale ouvre des comptes sur lesquels les titulaires peuvent tirer des chèques (les chèques postaux) pour effectuer des retraits de fonds ou des paiements dans des conditions tout à fait comparables à celles qui concernent les chèques bancaires. Ces chèques sont soumis à une réglementation qui tend à imiter de plus en plus celle des chèques bancaires.La carte de créditLa carte de crédit est une création américaine qui, après la Seconde Guerre mondiale, s’est répandue au Japon et, plus lentement, dans les principaux pays européens. Son usage, pour le règlement des dépenses courantes, est devenu très répandu. La dénomination usuelle ne rend d’ailleurs pas un compte exact de l’institution. Celle-ci permet avant tout à une clientèle civile de payer par un procédé simplifié les prestations qu’elle reçoit de certains fournisseurs; le crédit est un service supplémentaire que les émetteurs de cartes proposent généralement pour attirer la clientèle, mais qui, à la rigueur, pourrait ne pas exister. À travers des modalités très variées, on distingue deux grandes catégories.Dans la forme la plus simple et la plus ancienne, la carte est émise par un établissement commercial (entreprise de distribution d’essence, grand magasin) pour faciliter le règlement des produits ou des services qu’il livre au public. Pour chaque fourniture, l’établissement fait une facture en plusieurs exemplaires. L’un des exemplaires est signé du client porteur de carte. Généralement, celui-ci paie à la fin de chaque mois le fournisseur groupe les factures du mois et les lui envoie ensemble. Le fournisseur peut aussi consentir au client une ouverture de crédit, assortie d’un plafond proportionnel à ses ressources. Le client effectue alors des paiements échelonnés, suivant les délais qui lui sont consentis.Un système plus compliqué fait intervenir trois personnes: le porteur de la carte, le fournisseur et l’émetteur de la carte, qui est ici une banque ou un établissement spécialisé. L’émetteur sélectionne les porteurs de cartes et les fournisseurs suivant des critères plus ou moins rigoureux. Les fournisseurs lui adressent les factures signées des porteurs de cartes, qu’il paie dès réception et dont il garantit même le paiement jusqu’à concurrence d’un certain montant. L’émetteur se retourne ensuite vers les porteurs de cartes pour se faire rembourser soit à un moment donné du mois, soit dans les délais plus longs consentis par le contrat. Le système, qui comporte des frais et des avantages pour chacune des trois parties, est notamment financé par une commission que versent les commerçants sur les ventes ainsi réalisés.Un perfectionnement supplémentaire est constitué par la carte à mémoire (dite «carte à puce»). Cet instrument, qui est d’invention française (Roland Moreno), est doté d’un microprocesseur capable de prendre lui-même la décision d’accepter ou non les opérations de retrait ou de paiement qui lui sont proposées. Par exemple, pour une période donnée, un plafond d’achat est inscrit dans la mémoire de la carte et, à chaque passage dans un terminal électronique, l’appareil vérifie que le plafond n’est pas dépassé.Certains organismes américains émettent des cartes dont la valeur est reconnue sur le plan international (American Express, Diner’s Club). En France, la carte bleue a été créée en 1967.L’avis de prélèvementLa technique de l’avis de prélèvement est utilisée par un fournisseur qui doit recouvrer périodiquement des créances auprès de nombreux clients (E.D.F. par exemple). Un double mandat permanent, donné par les clients à leur fournisseur (demande de prélèvement d’office) et à leur banque (ordre de domiciliation permanente), permet le règlement automatique de toutes les créances ultérieures du fournisseur, pourvu que le compte en banque des clients présente une provision suffisante.En général, le créancier informe le débiteur du prélèvement qui sera effectué d’office à son compte quelques jours avant la mise en circulation de l’avis. Le débiteur peut ainsi faire connaître son désaccord, le cas échéant. Les avis de prélèvement, dûment récapitulés par un bordereau, sont remis par le créancier à sa banque qui les met en recouvrement auprès de la banque domiciliataire. Cette dernière débite le compte du débiteur à la date de l’échéance, sans avoir à solliciter d’ordre exprès, et elle conserve l’avis de prélèvement comme pièce comptable. Dans les rapports entre banquiers, l’opération est assimilée à une remise d’effets de commerce (quoique les documents impayés ne puissent donner lieu à protêt); les avis sont admis sans formalité dans les chambres de compensation et inclus dans leurs règlements.3. Les paiements par mouvement de compteLes comptes, et particulièrement (mais non exclusivement) les comptes bancaires, permettent d’effectuer des paiements simplifiés sous deux aspects spécifiques.Le premier procédé suppose que le débiteur et le créancier sont tous deux titulaires d’un compte, dans une banque ou dans un bureau de chèques postaux. Un virement effectué sur l’ordre du débiteur débite son compte et crédite celui du créancier.Le second procédé suppose l’existence d’un compte-courant par lequel deux personnes en relations d’affaires (banquier et client, commettant et commissionnaire, etc.) décident de porter en compte toutes leurs opérations juridiques, de manière à en permettre la compensation et à substituer le règlement unique du solde au paiement séparé de chaque opération.Le virementLe virement évite le déplacement de numéraire plus sûrement encore que la création d’un chèque bancaire ordinaire, qui peut donner lieu à un versement en espèces.Le banquier (ou le bureau de chèques postaux) opère sur un ordre de virement qui lui est adressé. Une banque peut virer sur un ordre écrit quelconque, par exemple une lettre missive, mais elle peut aussi stipuler que les ordres devront lui être donnés sur un imprimé spécial. L’ordre peut revêtir la forme d’un titre négociable; dans certains pays, le chèque est utilisé à cet effet lorsqu’il porte la mention «à porter en compte» ou une mention équivalente. Le banquier qui reçoit l’ordre doit en vérifier la régularité, notamment la signature du titulaire de compte, sous peine d’engager sa responsabilité.L’ordre n’est que la préparation du virement proprement dit, qui s’effectue par une double passation en compte: débit du compte du donneur d’ordre, crédit du compte du bénéficiaire. Si les comptes sont tenus par la même banque, celle-ci passe les deux écritures. L’opération a le caractère d’un mécanisme bancaire. L’élément d’un compte pénètre dans un autre et c’est la tenue du compte qui règle les droits des intéressés comme s’il y avait un transfert réel de fonds. L’inscription au crédit du bénéficiaire détermine, en principe, la date du paiement.Le virement est un peu plus complexe lorsque les deux comptes sont tenus par deux banquiers différents. Le donneur d’ordre invite son banquier à débiter son compte. Celui-ci met à la disposition du banquier du bénéficiaire un crédit qui lui permet de créditer son propre client. Le règlement entre les deux banquiers s’effectue le plus souvent par l’intermédiaire d’une chambre de compensation.La remise en compte-courantLa remise en compte-courant produit des effets inégalement énergiques selon les pays, et l’on distingue deux groupes de législations.Dans les pays de common law (Angleterre, États-Unis), le compte-courant est considéré comme un simple tableau de comptabilité. Les remises des deux parties se compensent immédiatement dès leur entrée en compte par application du droit commun des obligations; la compensation opère le paiement jusqu’à concurrence de la somme la plus faible.Dans les pays d’Europe continentale et dans ceux qui ont subi leur influence, la compensation est retardée soit à la clôture définitive du compte (France, Belgique), soit lors de l’établissement des arrêtés périodiques (Allemagne, Suisse). La doctrine allemande observe avec raison que la convention du compte-courant est une «convention de délai» (Stundungsvertrag ), qui ajoute à son rôle de simplifications des paiements l’octroi d’un crédit, du fait de l’ajournement qui en résulte. Cet ajournement a conduit le droit positif à faire du compte-courant une institution juridique autonome, dotée de deux effets spécifiques dont la plupart des législations consacrent les aspects les plus raisonnables même si certaines évitent d’employer une terminologie qui a été très discutée pour avoir été comprise, pendant un certain temps, avec une rigueur abusivement logique: la novation et l’indivisibilité.D’une part, les créances correspondant aux différents articles du compte perdent leurs caractères propres: leur nature civile ou commerciale, les sûretés qui leur étaient attachées, les conditions d’intérêts dont elles bénéficiaient, pour être soumises, sur tous ces points, au statut du compte. Cette sorte de novation s’applique, en droit français, à chaque remise envisagée séparément; elle résulte, en droit allemand (sauf exception: cf. art. 356, Handelsgesetzbuch ), de la «convention de reconnaissance», par laquelle les parties approuvent le solde résultant d’un arrêté périodique.D’autre part, les différents articles du compte sont en quelque sorte soudés les uns aux autres en vertu du principe d’indivisibilité. Pour une remise déterminée, le remettant ne peut pas se déclarer créancier du récepteur; en principe, on ne saura qu’à la clôture du compte qui sera créancier ou débiteur: la créance sera le solde du compte. Une créance entrée en compte ne peut donc pas donner lieu à une action en justice; elle ne peut pas être garantie par une sûreté qui lui soit particulière; elle ne se compense individuellement avec aucune autre créance en sens inverse; les règles de droit commun sur l’imputation des paiements ne s’appliquent pas à elle.4. Les paiements internationauxLa plupart des moyens utilisés pour la réalisation des paiements ou des crédits dans les opérations intérieures sont également employés dans les opérations internationales: lettre de change, billet à ordre, chèque, virement. Il s’y ajoute, en pratique, deux techniques particulières, qui peuvent se compléter l’une l’autre ou se combiner avec certains des instruments précédents: la lettre de crédit et la remise documentaire.La lettre de crédit est une lettre adressée par un banquier à un de ses correspondants pour l’inviter à payer une somme d’argent ou à consentir un crédit au bénéficiaire du titre. Tantôt elle est créée par le banquier pour être adressée par son client à une personne dont celui-ci attend une prestation, en général des marchandises achetées par lui; tantôt elle est destinée à permettre au client de toucher des fonds ou de se faire ouvrir un crédit sur une autre place.La remise documentaire est utilisée lorsque le règlement d’une opération de vente doit se faire après l’expédition. Les documents employés sont essentiellement la facture, le titre de transport (connaissement, lettre de transport ou de voiture), la police d’assurance, auxquels s’ajoutent parfois des pièces secondaires telles que le certificat de poids ou de qualité. La remise s’effectue selon deux modalités différentes. Si le vendeur connaît son acheteur et lui fait confiance, il lui envoie, directement et sans délai, les documents qui constituent alors une simple preuve de l’expédition et justifient sa demande de paiement. Dans le cas contraire, les documents assurent la garantie du vendeur, qui conserve, grâce à eux, la disposition de la marchandise expédiée et qui les délivre seulement, suivant les cas, contre paiement ou contre acceptation d’une traite par l’acheteur. Les documents peuvent être également remis au banquier de l’acheteur, pour servir de garantie au crédit consenti par celui-ci à son client (crédit documentaire).Dans l’exécution de ces opérations, les nécessités pratiques imposent de plus en plus une réglementation uniforme dont les premiers jalons ont été posés par la Chambre de commerce internationale. Des règles et usances uniformes en matière de crédit documentaire ont été adoptées en 1933, révisées en 1962, et sont applicables dans le monde entier ou presque, depuis que les banques anglaises se sont ralliées au texte révisé. Une réglementation uniforme pour l’encaissement du papier commercial a été établie en 1956 et révisée en 1967. Une formule type d’ordre de paiement international a été arrêtée en 1959. Pour faciliter les transferts bancaires internationaux, sept cent cinquante banques environ, installées dans une trentaine de pays, ont organisé un réseau interbancaire international (S.W.I.F.T.: Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication), qui permet d’établir une liaison directe et quasi instantanée entre les terminaux des ordinateurs des adhérents.
Encyclopédie Universelle. 2012.